On ne peut pas vous interdire de revendre votre licence de logiciel de caisse !



D'après la cour de justice de l'Union Européenne, suite à une plainte (rejetée) de l'éditeur bien connu Oracle, un éditeur ne peut pas empêcher un de ses clients de revendre ses licences de logiciels. C'est un véritable séisme pour les éditeurs de logiciels, y compris bien sûr les logiciels de caisse.

Comment cela se passait-il jusqu'à présent ? Pour faire simple, l'acheteur du logiciel n'achetait en fait qu'une licence d'utilisation, dont l'éditeur du logiciel pouvait fortement limiter les possibilités. L'acheteur n'en est d'ailleurs pas souvent conscient... Il croit acheter un logiciel, comme il achèterait une calculatrice par exemple, mais non, il n'achète en fait qu'un droit d'utilisation limité ! Ainsi, dans la très grande majorité des cas, il n'a même pas le droit de revendre son propre logiciel, puisqu'en fait il ne lui appartient pas, il a uniquement une licence d'utilisation, "non cessible".... Révoltant ? oui...

cour de justice européenne


 

En même temps, dans le domaine des logiciels professionnels, le changement d'utilisateur du logiciel provoque souvent des frais supplémentaires : besoin accru d'assistance téléphonique, nouveaux paramétrages, etc. Ce n'est donc pas évident pour l'éditeur, il reste à trouver un bon compromis...

Pour revenir au problème juridique. Les instances européennes avaient déjà indiqué qu'il était possible de revendre un logiciel. Mais les éditeurs ont cru trouver une faille juridique et ont argumenté sur le fait que s'il était possible de revendre un logiciel acheté en magasin (une boîte avec un CD), il n'y avait aucun texte qui autorisait la revente de logiciels "dématérialisés" (c'est-à-dire téléchargés).

D'où la plainte d'Oracle contre un revendeur de licences "d'occasion" de logiciels téléchargés... que la Cour a donc rejetée le 3 juillet 2012, en confirmant clairement que même les logiciels téléchargés pouvaient être revendus.

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Oracle indiquait que la mise à disposition gratuite d'une copie (fichier téléchargé) et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation n'impliquaient pas un transfert du droit de propriété de cette copie. La Cour de Justice Européenne a donc rejeté cet argument. Ce jugement doit être encore confirmé par la Cour Suprême Fédérale, mais tous les connaisseurs du dossier s'attendent à une confirmation définitive.

La Cour de Justice Européenne indique qu'à partir du moment où un client achète une licence d'un logiciel, l'éditeur perd le droit exclusif de distribution de cette copie. Le client devient propriétaire exclusif de cette copie, et sans limitation de durée.

La justice européenne a depuis longtemps légiféré (depuis 1993) sur "l'épuisement du droit d'auteur", y compris sur les logiciels. Selon ce principe, le droit d'auteur du concepteur du logiciel s'épuise sur une licence donnée dès qu'il a vendu celle-ci. Le nouveau propriétaire de cette licence peut donc revendre sa licence, même sans en avertir l'éditeur.



Apparemment, le nouveau propriétaire de la copie a aussi droit à la maintenance et aux nouvelles versions, si jamais la licence comprenait ce type de services, puisque selon la Cour la licence n'a pas de limitation de durée et peut être revendue librement.

Cette jurisprudence s'applique à tous les pays de l'Union Européenne.

La seule limitation confirmée par la Cour de Justice concerne le nombre d'utilisateurs. Par exemple, si vous achetez une licence valable pour 10 utilisateurs, vous n'avez pas le droit de revendre une licence pour 5 utilisateurs, et de conserver vous aussi le logiciel, même s'il n'y a plus chez vous que 5 utilisateurs. La licence doit être revendue telle quelle, dans sa totalité.

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Il faut aussi bien sûr que vous supprimiez totalement le logiciel de vos postes informatiques et que nous ne conserviez aucune copie, quel que soit le support.

Au final, c'est un grand soulament pour les clients, mais des complications pour les éditeurs... Sans compter que le système de licence de logiciel est de plus en plus concurrencé par des systèmes de location de logiciel (SaaS, cloud...).

Parmi les changements pour les clients, notons que la valeur d'immobilisation du logiciel peut être amortie sur une durée plus longue, puisque le logiciel peut être revendu. La valeur au bilan du logiciel peut être mieux valorisée.

Le client pourra aussi peut-être trouver un logiciel de caisse moins cher s'il achète un logiciel d'occasion. N'oubliez pas qu'un logiciel ne "peut pas s'abîmer" ! Ce n'est pas un produit mécanique ou électronique... Par contre, son environnement peut évoluer (règles fiscales et comptables, besoin de gérer de nouveaux matériels, etc.), donc il y aura quand même souvent besoin d'un contrat de maintenance, comme pour les logiciels neufs.

Pour les éditeurs, c'est potentiellement une perte importante. Puisque le client peut revendre le logiciel et donc faire un gain financier, c'est symétriquement une vente potentielle perdue pour l'éditeur, le nouveau client l'ayant acheté directement à une autre entreprise (par contre, le nouveau client aura peut-être besoin de formation, contrat de maintenance, etc.)...

D'autant qu'avec cette nouvelle législation, les revendeurs risquent eux aussi de se tourner vers le marché du logiciel d'occasion. Il est clair qu'il va être difficile pour eux de rater ce nouveau marché, surtout que les marges sont parfois supérieures ! Bref, un effet boule de neige va-t-il se produire sur le marché ? Ce n'est pas certain, il y a les effets d'inertie, les conservatismes, et surtout le fait qu'un logiciel de caisse est un produit assez technique.

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